Cette constatation n’est pas nouvelle. Toute l’histoire de l’humanité témoigne de ce besoin. La bible nous montre comment le peuple juif était, lui aussi, en perpétuelle recherche du religieux. Et paradoxalement, au lieu de chercher à satisfaire ce besoin, Dieu l’a malmené. Il voulait le purifier de tout ce qu’il avait de trop humain.
Après la sortie d’Égypte par exemple, au cours de la traversée du désert, Israël avait besoin de sentir Dieu présent à ses côtés. Et que fait Dieu ? Il choisit ce moment-là pour interdire à son peuple de le représenter sous quelque forme ou image que ce soit. Mais le besoin était si grand que le peuple s’est mis à fabriquer un veau d’or et il l’a adoré. Devant ce veau d’or Moïse s’est mis en colère et il l’a détruit, car le Dieu d’Israël, c’était autre chose qu’un veau d’or.
Tout au long de l’histoire juive, les mêmes incidents se sont reproduits. Le roi David, lui, voulait construire un temple magnifique à Dieu, car disait-il « moi, je vis dans un magnifique palais, et Lui n’a rien ». Mais Dieu lui a fait savoir par un de ses prophètes qu’il n’en avait pas besoin. Et tout au long de l’histoire religieuse d’Israël, les prophètes, les uns après les autres, ont réaffirmé cette différence entre leur Dieu et les dieux des païens.
Jésus est venu à son tour et il a repris le même enseignement. Les païens demandent à leurs dieux de leur procurer nourriture et vêtements ; les disciples du Christ doivent seulement se préoccuper, eux, du règne de Dieu et de sa justice. « Le reste viendra par surcroît » disait le Christ. Il n’a pas hésité pas non plus à remettre en cause le culte lui-même pratiqué dans le temple. Pour un croyant juif, c’était dur à avaler, tant le temple était le centre même de la vie religieuse. Il proclamait qu’on pouvait le prier partout et avec peu de mots. Il disait aussi que le prier sans pardonner à ses ennemis et sans chercher à se réconcilier avec eux, que le prier en se désintéressant de son prochain qui était dans le besoin, cette prière-là n’était pas une bonne prière et qu’elle donnait de Dieu une image déformée. Comme l’avaient fait les prophètes avant lui, il demandait aux hommes de transformer l’image qu’ils se faisaient de Dieu.
Dans la 2ème lecture, St Paul nous dit de ne pas vivre comme des païens. Il aurait pu dire aussi : ne pensez pas comme des païens.
La leçon est toujours d’actualité. Il nous faut à nous aussi purifier constamment l’image qu’on se fait de Dieu. On aimerait par exemple qu’il accorde ses faveurs à ceux qui lui sont restés fidèles et qu’il néglige les autres, on voudrait qu’il arrête les méchants et les empêche de prospérer et qu’à l’opposé il facilite la tâche des justes. Autre exemple : quand on est aux prises à de grandes difficultés, on est tenté de dire : »Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire au Bon Dieu pour mériter cela ? » et dans notre prière on lui demande de changer la situation. Il n’y a rien de mal là-dedans évidemment, bien au contraire, à la condition toutefois de ne pas rabaisser notre prière à un marchandage humain.
Je terminerai tout cela par une phrase de Julien Green, l’écrivain américain. Voici ce qu’il disait à propos de la prière : »Le but de la prière est peut-être moins d’obtenir ce que nous demandons que de devenir autres……… Demander quelque chose à Dieu nous transforme peu à peu en personnes capables de se passer quelquefois de ce qu’elles demandent ».
Demandons cela à Dieu, qu’il nous aide à transformer les images fausses que nous pouvons nous faire de Lui et qu’on ne le rabaisse jamais à notre niveau en l’imaginant comme nous ; qu’il nous aide au contraire à grandir pour lui ressembler toujours davantage, et qu’il nous aide aussi, comme le disait Julien Green, à devenir autres et à pouvoir nous passer de ce que nous demandons.